Une moto repose sur deux roues. Si vous lui en ajoutez une troisième en gardant celle arrière motrice et en installant cette troisième roue en parallèle de celle avant existante, l’engin motorisé devient tricar. Avant le début du vingtième siècle, cet engin s’appelait tricycle à moteur. Dérivé de la motocyclette, on lui adjoignit entre les roues directrices avant un siège bien pratique afin de véhiculer un ou plusieurs passagers. Ce siège était couramment appelé ” siège de belle-mère ” ( devinez pourquoi… ). A ne pas confondre avec le ” coussin de belle-mère ” qui est une sorte de cactus et qui donnait du piquant à la scène quand belle-maman y posait son séant…
En cette année 1907, Robert BOURBEAU et Henri DEVAUX, élèves-ingénieurs à PARIS, circulaient à bord d’un tricar de la marque J. QUENTIN. Après un accident, leur véhicule fut détruit. Seul le moteur était réutilisable. N’ayant pas les moyens de le faire réparer, ils eurent l’idée de le transformer.
Le chassis fut constitué de deux longerons en frêne. La carrosserie en forme de carlingue d’avion fut fabriquée en contreplaqué dans laquelle furent installés deux sièges à armature métallique recouverts de toile et disposés en tandem. Le moteur prit place à l’avant et était surplombé d’un réservoir en forme d’obus qui alimentait le moteur par gravitation et évitait l’emploi d’une pompe ou d’un thermosiphon. La transmission s’effectuait aux roues arrières par une chaîne qui entraînait un arbre primaire qui lui-même entraînait une courroie pour chaque poulie-jante. Le changement de vitesses se faisait par l’intermédiaire d’un levier qui tirait le train arrière vers l’avant ou l’arrière afin de détendre ou tendre les courroies et donc de faire passer les courroies sur les différentes poulies accolées aux jantes. La suspension arrière était constituée de deux ressorts à lames, celle avant d’un essieu rigide suspendu en son centre d’un axe faisant office de pivot de direction. Le freinage était assuré par deux patins à chaque roue arrière. Et si l’engin ne disposait pas de marche arrière, sa particularité résidait dans le fait que le pilote était installé… derrière le passager !
En ajoutant une quatrième roue à leur tricar initial, messieurs BOURBEAU et DEVAUX en firent un cyclecar. Le cyclecar était une alternative entre la motocyclette et la voiturette. Petit, léger, bon marché, il était souvent assemblé avec un moteur monocylindre ou bicylindre, ce qui lui autorisait une fiscalité avantageuse. La création de ces deux personnages prit le nom de BEDELIA, par l’emploi de la première lettre de leurs noms de famille auxquels fut accolé ” lia “. Le succès fut rapide. L’engin atteignait 70 km/h et dépassait la plupart des voitures de son époque. Proposé au tarif de 1200 francs de l’époque, il était moins cher qu’une voiturette. Il fut aussi décliné en voiture de course, en véhicule de livraison et même le Service des Armées fut intéressé mais l’affaire ne donna pas suite. Il s’illustra en compétion et acquit de nombreuses victoires en course et records de vitesse. Entre 1910 et la première guerre mondiale, il en fut construit environ 3000. Il fut vendu en Grande Bretagne mais avec un moteur JAP, en Italie, en Afrique et en Indonésie.
Après 1918, Robert BOURBEAU quitte BEDELIA pour fonder les Ets. JACQUEMONT et en 1920, Henri DEVAUX revend ses droits de fabrication à M. BINET, concessionnaire BEDELIA ( ne pas confondre avec BINET, né bien plus tard et créateur de la bande dessinée ” les BIDOCHON “… ). Le BEDELIA sera fabriqué par MAHIEUX et Cie à LEVALLOIS-PERRET. Ses nouveaux fabricants n’eurent pas le génie de leurs créateurs initiaux et leurs tentatives d’innovation et de modernisation ne connurent pas le succès escompté. En 1922, la disposition des sièges fut modifiée pour se retrouver côte à côte et décalée. Et l’attrait du cyclecar déclinant au profit de la voiture devenant plus abordable, la fabrication du BEDELIA s’arrêta en 1925, non sans avoir marqué et étonné son époque…
Ph.VASSEUR 02/06/2019